La loi ASAP – C’est quoi ?????
Madame la Députée, Monsieur le Député,
Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
Comme vous le savez, le sujet du droit et des conditions d’emplois applicables aux salariés des Chambres d’Agriculture est complexe et a plusieurs fois fait l’objet de précisions législatives ou réglementaires ces dernières années. Nous avons déjà eu l’occasion de vous solliciter à ce titre.
La loi ASAP du 8 décembre 2020 est une étape supplémentaire. Elle a autorisé le gouvernement à procéder par ordonnance pour modifier le code rural afin de rapprocher les règles applicables aux agents du réseau des Chambres d’Agriculture de celles prévues par le code du travail. Cette ordonnance devrait être prise d’ici la fin de l’année.
Au cœur de cette ordonnance, se trouve la question des droits que le gouvernement voudra bien accorder aux salariés du réseau des Chambres d’Agriculture, tant le terme « rapprocher » est ambigu. En effet, il est possible d’opérer un rapprochement de deux manières : en modifiant les dispositions actuelles de type conventionnel pour les rendre identiques à celles du code du travail (c’est-à-dire en diminuant les droits des salariés) ou bien en établissant que le code du travail est le socle de droits, comme c’est le cas pour les salariés du privé.
Nous rappelons qu’à ce jour, aucune loi ne définit et n’encadre les conditions d’emploi et les relations de travail dans le réseau des Chambres d’Agriculture. Il existe seulement des accords collectifs nationaux ou locaux. Le Statut du Personnel des Chambres d’Agriculture n’est qu’un document issu de négociations entre partenaires sociaux.
Pour la FGA-CFDT, organisation syndicale majoritaire dans les Chambres d’Agriculture, l’ordonnance devrait fixer un socle légal applicable aux salariés du réseau. Ce socle légal doit, pour nous, être le code du travail, eu égard à la structure de l’emploi (plus de 70 % de salariés de droit privé) et aux nombreuses activités de nature industrielle et commerciale menées par les Chambres d’Agriculture. Ce socle légal serait accompagné de négociations collectives aux échelons les plus pertinents (national, régional et établissement) pour pouvoir adapter, faire évoluer, compléter les dispositions fixant les conditions d’emploi, en fonction des besoins et des réalités des établissements.
Dans le secteur privé, les négociations existent à tous les échelons, branches, groupes, entreprises. Demain, les négociations vont aussi se développer dans les fonctions publiques.
Pour les Chambres d’Agriculture, le code rural prévoit uniquement des obligations de négocier périodiquement sur certains sujets au niveau national. D’ailleurs, depuis l’octroi de ce droit par décret pris en application de la loi d’avenir pour l’agriculture d’octobre 2014, toutes les obligations de négocier n’ont pas été satisfaites, en raison de l’absence de volonté des employeurs.
Si l’ordonnance établissait que le code du travail est le socle légal, les négociations obligatoires prévues par le code du travail pour les entreprises du privé pourraient se tenir dans les établissements du réseau. Cela permettrait de poser de nouvelles bases de dialogue social et de conduire ainsi à des évolutions des conditions d’emploi.
La FGA-CFDT espère que l’ordonnance définira que tous les salariés du réseau, quelle que soit la nature de leur contrat de travail (droit public ou droit privé) disposent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes règles. Nous ne voulons plus de différences de traitement entre salariés, sources d’iniquité, de tensions entre collègues, de troubles dans les collectifs de travail et génératrices d’une perte d’efficacité dans l’activité.
Pour nous, l’ordonnance pourrait utilement traiter d’autres sujets, sources de difficultés dans le réseau et préjudiciables pour les salariés.
Tout d’abord, dès lors que le socle légal minimal applicable sera défini, il est nécessaire d’appliquer la hiérarchie des normes et le principe de faveur. Cela permettra de gérer facilement et rapidement toutes les situations où le Statut ou d’autres accords collectifs comportent des dispositions infra-légales ou en contradiction avec la loi. Cela évitera aussi que des salariés soient lésés.
En complément, nous constatons que les procédures de conciliation et d’interprétation existant en cas de difficultés nées de l’application du Statut et d’accords sont inefficientes, laissant les employeurs et les salariés démunis. Il est donc indispensable d’améliorer les procédures, peut-être à l’image du rôle des CPPNI, mais également de permettre aux DREETS ou DDETSPP d’intervenir dans les Chambres d’Agriculture pour conseiller et faire des rappels à la loi.
Troisièmement, il n’existe pas d’obligation pour les employeurs du réseau des Chambres d’Agriculture de mettre en place et de financer a minima à 50 % une complémentaire santé. Cela existe dans le privé depuis quelques années. Ce sera le cas dans la fonction publique dans les années à venir. L’absence de cette obligation est source d’injustice pour les salariés, sans compter qu’elle nuit à l’attractivité du réseau.
Sujet connexe, il n’existe pas de portabilité de la prévoyance et, lorsqu’elle existe de manière volontaire, de la complémentaire santé. C’est préjudiciable pour les salariés qui quittent le réseau ou sont licenciés.
En lien avec les licenciements et les départs du réseau, la gestion des allocations chômage dans le réseau, oscillant entre autoassurance et gestion mutualisée par l’APCA, est complexe et peu efficace, avec beaucoup de retards de paiement. Faire adhérer de manière obligatoire les Chambres d’Agriculture à l’UNEDIC serait une mesure de simplification importante et un énorme gain d’efficacité.
Enfin, les salariés de droit public du réseau n’ont pas accès (ou de manière aléatoire) aux dispositifs de Conseil en Evolution Professionnelle (CEP) et de Démission Reconversion, qui permettent pourtant de sécuriser et faciliter les transitions et évolutions professionnelles. Il importe donc d’ouvrir l’accès aux salariés de droit public.
Nous savons les parlementaires soucieux de l’évolution des Chambres d’Agriculture, de leur bon fonctionnement et de leur attractivité. Nous vous savons aussi attentif aux principes d’égalité et d’équité entre les citoyens. Nous sollicitions donc votre appui pour que l’ordonnance ne débouche pas sur une diminution des droits et une dégradation des conditions d’emploi des salariés et un maintien des inégalités entre salariés. Cela aurait inévitablement comme conséquences d’accroître le turn-over et la perte des compétences, pénalisant in fine l’accompagnement des agriculteurs et les transitions agricoles.
En vous remerciant pour votre soutien,
Nous vous prions d’agréer, Madame la Députée, Monsieur le Député/ Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, l’expression de nos salutations distinguées.